Charles-André Rougeau-Roy
On m’a dit un jour : “Il n’y a pas de hasard”
Je suis né en Occitanie, dans le Sud-Ouest de la France, une région riche d’Histoire et de traditions médiévales, où la terre fut nourrie du sang des chevaliers rebelles Cathares et des larmes de leurs bien-aimées, dont les cris se perdent encore dans le vent d’Autan. Sombre époque, qui malgré tout, a vu naître le Fin’amor, chanté par les Troubadours, nos poètes qui célébraient l’amour courtois. L’Occitanie fut toujours un carrefour tragique de romance, où l’art et la violence s’entremêlent et dansent.
J’ai grandi dans les dorures de nos collines de blé, éblouit par la majesté de sanctuaires millénaires : fortifications, bastides, châteaux, églises et à mon plus grand plaisir, jardins. Ruinés, reconstruits, protégés, aimés. J’ai toujours pensé que ces vieilles pierres, ces arbres étaient un lien, un couloir à travers les temps pour que nos grands ancêtres influencent et inspirent la jeunesse. Un héritage de beauté, un patrimoine qui se doit d’être chéri et enrichi.
Durant ma vingtaine, j’appris que l’État envisageait de raser notre exploitation céréalière, anéantissant de fait mon passé et mon avenir, remplacés par une autoroute (A69). Pour bâtir sur des terres plus hospitalières, et malgré mon amour pour la France, je fus envoyé étudier ici, au Canada, contrée de ma mère, tandis que mon père engageait sa bataille pour sauver notre bien, nos terres, et plus tard notre oasis de “fleurs insignifiantes”. Sa bravoure et sa détermination pour la défense de notre “way of life”, comme il aime à l’appeler, nourrirent mes ambitions et ma rage de vaincre.
Après mes études, tante Valérie et oncle Jules me proposèrent de vivre sur leur terre de “Bay Lodge” en Ontario, un vaste et fertile jardin d’Eden bordant les rives du lac Saint-Clair. Rapidement, je succombais à ses charmes sauvages. L’amour se mua en passion quand je réalisai qu’un joyau manquait à la couronne de Bay Lodge. Ma quête fut donc de le trouver et de le façonner ; de créer du beau, un patrimoine qui un jour pourrait être chéri et enrichi.
Comme tout joyau, il apparut là où je ne cherchais pas. Ma mère fut la première à le découvrir, Grand-papa Nap Roy lui souffla dans un songe : “Il faut planter des pivoines !” ordonna-t-il avec son accent franco-canadien. Mon père fut le second, en 2015, lors d’un dîner, un vieil homme lui raconta tout : “Et beh je fais des pivoines cong !”
Nous écoutâmes.
Et c’est ainsi que, depuis maintenant une décennie, en commençant par mon père en France, puis avec tante Valérie au Canada, de chaque côté de l’océan, en famille, nous avons perfectionné l’art de cultiver le beau, notre passion, notre joyau, la reine des fleurs : La Pivoine.
On m’a dit un jour : “Il n’y a pas de hasard”.
Depuis toujours, Fleur de Roy attendait.